Il y a des jours comme à où tout ce dont on a besoin est d'un bol d'air frais. Pour quelqu'un comme Dan, habitué à hanter les couloirs tel une ombre dont personne ne soupçonne la présence, ces jours sont plus nombreux que la moyenne. Si on le lui demandait, il dirait que l'ombre dans laquelle il avait accepté de vivre était généreuse. Après tout, elle protégeait ses peurs, sa maladresse et ses douleurs en les cachant derrière distance, ironie et cynisme, les seuls alliés sur qui il comptait. Et elles se nourrissaient de l'indifférence générale. Après tout, personne n'avait le temps de se préoccuper des états d'âme de chacun. La société était une machine qui broyait ses composants jusqu'à ce qu'ils ne soient plus en état de la faire fonctionner, ce qui voulait dire que ceux qui n'arrivaient pas à s'y intégrer étaient condamner à regarder leur vie filer dans la solitude. Et si elle était reposante de temps à autre, lorsqu'elle était trop longue elle devenait oppressante. C'était exactement ce qu'il se passait pour le jeune homme à ce moment précis. En général, ça lui prenait lorsqu'il ne voyait que couples et groupes d'amis autour de lui. Lorsqu'il commençait à envier ceux pour qui c'était si simple de se lier ou peut être lorsqu'il se disait qu'il n'avait qu'un petit pas à faire pour être comme eux et que l'image des nombreuses gaffes qui ont jalonné son existence s'impose à son esprit. Quoiqu'il en soit, il se rendait compte que plus il désirait sortir de sa solitude plus cette perspective lui faisait peur.
Du coup au lieu de choisir de franchir ce pas qui le séparait du reste du monde, il choisit encore une fois l'isolement. Après tout la solitude n'était pas si terrible que ça lorsque l'on ne voyait pas le bonheur de l'autre. Du moins, c'était ce que les ombres qui l'accompagnaient depuis si longtemps lui disaient. Et il devait admettre alors qu'il se baladait dans cette forêt, la sensation oppressante d'être prisonnier de lui même s'envolait peu à peu. Enfin, il gardait toujours à l'esprit les moments de complicité dont il ne pouvait pas jouir à cause de sa distance. A cause de sa peur. Heureusement, la solitude était assez généreuse pour lui laisser l'occasion de trouver un exutoire. Ca pouvait être une petite course à pied, la douleur et la colère avait tendance à décupler l'intensité de ses pouvoirs. D'ailleurs, il avait tendance comme cette fois à s'élancer sans direction précise.
Ses accélérations étaient les moments qu'il préférait. C'était comme si progressivement son cerveau laissait les commandes à ses jambes. Il commençait sa course à vitesse normale pour un humain qui n'était pas entraîné comme pour leur donner l'autorisation de prendre le contrôle. Elles répondaient à cette invitation assez timidement en général. Cette fois avant même qu'il ne s'en rende compte, le vent vint fouetter son visage puis il eut l'étrange impression que cette opposition avec les éléments tournait à son avantage. Non, il avait l'impression de sentir chaque fibre de son être se dissoudre et en même temps de sentir un torrent frais courir ses veines, comme s'il se laissait investir par le vent et que celui-ci le portait. Comme s'il venait de franchir un cap, une barrière qui le séparait d'un univers infiniment plus exaltant que le monde dans lequel il vivait. Malheureusement cette fois, il n'eut pas le temps de battre son propre record. En effet, si son cerveau enregistrait les informations bien plus vite que la normale, il lui fallait une précieuse fraction de seconde de plus pour les interpréter. Un temps qui lui coûterait cher cette fois encore puisqu'il se heurta à une branche qui avait eu le malheur de traîner par là et chuta lourdement. Il eut de la chance dans son malheur, à la vitesse où il avait heurté cette branche, il aurait pu se blesser assez gravement. Il secoua sa tête pour reprendre ses esprits mais sa lucidité était d'humeur capricieuse apparemment puisqu'il avait bien du mal à se remettre de ce choc.